L'"USS Liberty" dans la ligne de mire d'Israël

Publié le par Adriana Evangelizt

Voilà un article qui prouve que les Sionistes n'ont pas d'amis et qu'il faut se méfier d'eux comme de la peste. L'affaire de l'USS Liberty en est un exemple mais il y en a mille autres.

 

 

 

 

L'"USS Liberty" dans la ligne de mire d'Israël

 

Par Pierre Razoux *



Début juin 1967, en pleine guerre des Six Jours, l'aviation israélienne attaque un navire espion américain. Méprise ? Acte délibéré ? Et, dans ce cas, qui a pris la décision ? Et pour quelle raison ? L'alliance entre Tel Aviv et Washington est parfois l'objet de coups tordus... A méditer, en cette période où la région est à nouveau en ébullition.

En ce matin du 8 juin 1967, au quatrième jour de la guerre des Six Jours, l'état-major israélien peut s'estimer satisfait : les armées égyptiennes en déroute refluent vers le canal de Suez abandonnant la péninsule du Sinaï ; les parachutistes israéliens se sont emparés de la vieille ville de Jérusalem et refoulent les forces jordaniennes sur la rive est du Jourdain. Israël, invoquant la légitime défense préventive, a attaqué par surprise. Et l'audace semble avoir payé. Pour parachever cette victoire éclair, Tsahal se doit néanmoins de conquérir le plateau du Golan où s'est retranchée l'armée syrienne.

Au même moment, le navire d'écoute électronique américain USS Liberty (AGTR-5) croise au large d'El-Arish, au nord de la péninsule du Sinaï, à une vitesse de cinq noeuds. Le 24 mai, cet ancien cargo, transformé en 1964 en navire espion, a reçu l'ordre de quitter sa base de Norfolk, en Virginie, pour rallier le port espagnol de La Rota. Arrivé le 1er juin, il a appareillé le lendemain pour rejoindre une position d'attente en Méditerranée orientale, au sud de la Crète, à distance de sécurité de la zone prévisible des combats. La National Security Agency, qui a autorité sur ce bâtiment au même titre que l'US Navy, estime inutile de le faire naviguer trop près du champ de bataille, ses équipements ultraperfectionnés étant en mesure de capter les informations stratégiques depuis le large. L'Office of Naval Intelligence, désireux quant à lui de renforcer sa crédibilité battue en brèche depuis plusieurs décennies, souhaite au contraire lui faire longer les côtes pour tenter de recueillir des informations sur les armements utilisés par les belligérants, et dont certains équipent les Nord-Vietnamiens engagés contre les troupes de l'Oncle Sam !

Ces volontés contradictoires entre la NSA et l'ONI amènent le Liberty à modifier plusieurs fois sa route. Le 7 juin, il reçoit l'ordre de se rendre, sans escorte, vers un point situé à l'est d'El-Arish, non loin de Gaza, puis de bifurquer plein ouest vers Alexandrie, afin de longer le Sinaï à une vingtaine de kilomètres du littoral. Il est sur zone le lendemain matin. Mais pendant qu'il mettait le cap vers Gaza, le Liberty a fait l'objet d'une tentative d'interception, de nuit, par une patrouille de Mirage III israéliens. Confronté à un important brouillage électromagnétique émanant du navire américain, les deux pilotes israéliens ne peuvent accomplir leur mission et rentrent à leur base.

Le 8 juin, entre 8 h 50 et le début de l'après-midi, le Liberty est à nouveau survolé à sept reprises par des appareils israéliens. Ceux-ci suivent sa progression heure par heure. La visibilité est excellente et le bâtiment arbore la bannière étoilée, le fameux Stars and Stripes . En fin de matinée, alors que le bâtiment est à 24 km au large d'El-Arish, son équipage remarque la silhouette d'un Noratlas, « cerclant » au-dessus du navire. Simultanément, les communications sont brouillées. A 14 heures, arrivant à grande vitesse et à faible altitude, quatre Mirage III israéliens du 101e escadron effectuent un survol de reconnaissance, et passent à l'attaque, bientôt rejoints par deux Super Mystère. En un peu plus de vingt minutes, les six appareils épuisent contre le Liberty leurs obus de 30 mm, leurs roquettes et leurs bombes au napalm. Les superstructures et les antennes de détection du navire ne sont plus qu'un enchevêtrement de ferrailles. Des incendies se déclarent sur le pont. Ni les moteurs ni la coque ne sont cependant atteints, et le bâtiment continue d'avancer. Son commandant, William MacGonagle, tente d'entrer en contact avec les appareils israéliens et avec l'état-major de la 6e flotte, sans y parvenir. Le brouillage affectant les communications du navire s'avère manifestement efficace.

A 14 h 30, trois vedettes lance-torpilles israéliennes approchent à leur tour du Liberty . Elles ont quitté leur base d'Ashdod en fin de matinée et se sont dirigées à pleine vitesse vers le point prévisible d'interception. D'après les témoignages des marins américains, elles engagent le combat immédiatement, larguant cinq de leurs six torpilles. Quatre d'entre elles manquent leur cible, mais la dernière frappe le Liberty par tribord, ouvrant une brèche d'une dizaine de mètres dans la coque, au niveau de l'une des salles de contrôle, tuant sur le coup 26 techniciens de la NSA. Le navire espion gîte maintenant à tribord et s'immobilise, sans machine ni électricité. Ses compartiments étanches l'empêchent néanmoins de couler. Pendant plus d'une demi-heure, les vedettes israéliennes tournent autour de leur proie, épuisant elles aussi, leurs munitions. Pour riposter, le commandant du Liberty ne dispose que de quatre mitrailleuses de 12.7, assez efficaces cependant pour maintenir à distance les vedettes israéliennes.

Peu après 15 heures, l'attaque cesse aussi brusquement qu'elle a débuté, et la vedette israélienne T'amasses entre pour la première fois en contact avec le bâtiment américain, lui demandant si celui-ci a besoin d'aide ! Dans la foulée, au moins un hélicoptère de type Super Frelon, qui transporte des commandos israéliens, tente d'apponter sur le Liberty ... Sans succès.

Le Liberty , malgré 30° de gîte, parvient à remettre ses machines en marche et s'éloigne, cap au nord. C'est paradoxalement sous la protection de deux destroyers soviétiques croisant en Méditerranée orientale que le bâtiment espion américain regagne l'écran protecteur de la 6e flotte déployée beaucoup plus à l'ouest, entre Chypre et la Crête. Outre la brèche provoquée par l'explosion d'une torpille, 821 impacts de projectiles divers sont relevés sur la coque et les superstructures du Liberty . Les pertes humaines sont considérables : 34 morts et 171 blessés ! Les voies d'eau sont colmatées et le navire parviendra péniblement à regagner le port de Little Creek, en Virginie, après avoir fait une escale à Malte le 14 juin. Jugé irrécupérable, il est réduit en ferraille sans autre forme de procès.

Bien que le gouvernement israélien exprime ses plus sincères regrets et verse près de 7 millions de dollars de dédommagement aux familles des victimes, il se refuse à reconnaître sa responsabilité dans cette affaire et donne sa version de l'incident : dans le courant de la matinée, des appareils de reconnaissance israéliens ont certes repéré un navire croisant au large d'El-Arish, mais ils ont pensé avoir affaire à un destroyer égyptien de type Skory, voire même à un vénérable vapeur spécialisé dans le transport de chevaux ! Difficile à avaler. Comment confondre un cargo de 137 mètres de long, équipé d'immenses mâts de détection, d'une imposante antenne elliptique et ne disposant d'aucun armement visible, avec un destroyer à la silhouette profilée armé de cinq tourelles de canons bien visibles ?

Pour tirer l'affaire au clair, les autorités américaines et israéliennes désignent chacune une commission d'enquête. Après moins de cinq semaines de travaux, les deux groupes d'experts présentent leurs conclusions à quelques jours d'intervalle. Celles-ci sont rédigées en des termes étonnamment proches. Elles officialisent toutes deux la thèse de la méprise. Dans son rapport de huit pages du 21 juillet 1967, le juge israélien Yeroushalmi estime qu'il s'agit d'une « regrettable erreur ». Dans son rapport de 174 pages, l'amiral Isaac Kidd, pour le compte du département de la Défense, tire les mêmes conclusions. Curieusement, le secrétaire d'Etat américain à la Défense demande au conseiller juridique du département d'Etat, Carl Salans, de rédiger un rapport contradictoire qui met en exergue dix points de divergence entre les deux rapports officiels. Du côté israélien, le procureur militaire en chef, lui-même impliqué dans l'élaboration du rapport Yeroushalmi, fait remonter à son gouvernement un réquisitoire accablant mettant en évidence la responsabilité de l'ensemble de la chaîne de commandement. Son rapport contradictoire ne donne pourtant lieu à aucune suite.

Si ce n'est en acceptant l'idée que les gouvernements américain et israélien se sont préalablement entendus pour étouffer l'affaire, comment expliquer la similitude des conclusions de ces deux rapports ? Comment expliquer que malgré le nombre important de morts américains, le Congrès n'ait jamais été autorisé à mener sa propre enquête ? Pourquoi les autorités américaines ont-elles toujours refusé de publier le rapport israélien arguant que « cela nuirait aux relations avec un pays allié » ? Pourquoi le site officiel de la NSA (www.nsa.gov/museum/liberty) affirme-t-il encore aujourd'hui que cette affaire n'a jamais été tirée au clair ? Comment expliquer que les Israéliens aient pu commettre une telle erreur d'identification, après avoir surveillé pendant plus de six heures un bâtiment qui ne ressemblait en rien à un navire de guerre et qui, de surcroît, battait pavillon américain ? Comment expliquer leur acharnement à le mitrailler pendant plus d'une heure ? Et leur volonté de brouiller ses communications ? Et s'il s'était agi d'un navire soviétique, comme les Israéliens le prétendirent, pourquoi l'avoir attaqué alors même que la veille, ils avaient laissé passer un « chalutier soviétique » vers le golfe d'Aqaba ? Quant à plaider l'initiative malheureuse de subordonnés incompétents, cette éventualité semble inconcevable. Enfin, s'il y avait réellement eu erreur d'identification imputable au service des renseignements militaires, comment expliquer qu'aucun personnel de ce service n'ait subi la moindre sanction après la guerre ?

Toutes ces interrogations en appellent une autre. Pourquoi Tel Aviv aurait-il ordonné un tel raid contre un navire allié ? Le 8 juin, lorsque leurs chasseurs attaquent le Liberty , les Israéliens s'apprêtent à lancer leur assaut contre le Golan où sont retranchées les forces syriennes. Un secret qui, justement, pourrait être découvert grâce à l'appareillage électronique du navire américain et transmis à Washington. Or, l'administration américaine exerce justement des pressions sur l'Etat hébreu pour le contraindre à accepter un cessez-le-feu sous l'égide des Nations unies. De plus, les Américains ne souhaitent pas voir les armées arabes totalement humiliées. Ils craignent de voir se renforcer un peu plus l'emprise soviétique sur la région et de perdre quelques alliés arabes dans une région riche en pétrole. L'attaque contre le Liberty permet de faire comprendre à Washington que Tel Aviv refuse de se faire dicter sa conduite et que sa sécurité, même si l'alliance avec la France a vécu, ne dépend pas exclusivement de l'Amérique.

Se pose alors la question fondamentale de savoir qui a pris la décision ? Il semble inconcevable que le Premier ministre Levi Eshkol, homme politique modéré peu favorable au recours à la force, initialement opposé à l'idée d'une attaque préventive et favorable aux thèses américaines, ait pu donner cet ordre. Si la motivation du raid contre le Liberty était de masquer les préparatifs d'un assaut israélien dans le Golan, on imagine mal Moshé Dayan prendre cette décision, alors qu'il était notoirement opposé à une action contre la Syrie. Si par contre, la raison de cette attaque était d'envoyer un avertissement aux Américains, il n'est pas impossible que le général israélien ait avalisé cette opération, d'autant plus qu'il se présentait comme un fervent défenseur d'une alliance militaire équilibrée avec les Etats-Unis, fondée sur un pied d'égalité. Un fait est certain, aucun autre ministre du cabinet restreint n'avait alors l'autorité suffisante pour s'engager dans une voie aussi hasardeuse.

Reste alors Meir Amit, le directeur du Mossad, ou encore certains généraux de l'état-major appartenant au clan des « faucons » : Ezer Weizman, ancien commandant des forces aériennes et conseiller spécial de l'état-major ; Aharon Yaariv, chef des renseignements militaires ; Rehavam Zeevi, chef des opérations, mais aussi Mordéchaï Hod et Shlomo Erel, respectivement commandants des forces aériennes et navales. Quant au général Yitzhak Rabin, alors chef de l'état-major général, tout semble militer pour sa responsabilité : ses fonctions, son autorité, sa présence au sein de l'état-major général pendant la matinée cruciale du 8 juin.

Si, comme tout le porte à croire, l'attaque contre le bâtiment américain Liberty a été intentionnelle, le choix de recourir à une telle extrémité n'a sans doute pas, en revanche, été prémédité longtemps à l'avance. Et ce choix résulte très probablement d'une décision collégiale prise dans le feu de l'action.

* Historien familier des questions stratégiques, Pierre Razoux est l'auteur de deux livres sur La Guerre israélo-arabe d'octobre 1973 (Economica) et La Guerre des Malouines (Larivière). Il achève un ouvrage intitulé La Guerre des Six Jours : du mythe à la réalité .

Comprendre

National Security Agency
Créée en 1952, basée a Fort Meade dans le Maryland, la NSA constitue l'agence fédérale de renseignement la plus secrète du gouvernement américain. Chargée de l'espionnage électronique, elle met en oeuvre les satellites espions américains et gère le fameux réseau d'écoute Echelon.


Office of Naval Intelligence
L'ONI constitue depuis 1882 le service de renseignement de la marine américaine. Son plus grave échec fut de n'avoir pas su anticiper l'attaque japonaise sur Pearl Harbor en 1941.

Les survivants contestent

Pour plusieurs amiraux américains et de nombreux survivants, l'attaque contre le Liberty était délibérée. Au début des années 1980, ces marins ont créé une association pour tenter d'élucider l'affaire. Nombre d'entre eux souligne le manque d'impartialité de la commission d'enquête dans le choix des témoignages retenus dans le rapport de la Naval Court of Inquiery. De la même façon, le 24 octobre 1998, le commandant du Liberty adressait une lettre ouverte au président Bill Clinton. Il lui demandait de ne pas libérer Jonathan Pollard, un ancien analyste du service de renseignement de l'US Navy convaincu d'espionnage au profit d'Israël, tant que Tel Aviv ne reconnaîtrait pas sa culpabilité dans l'attaque volontaire de son ancien navire. Depuis plus de vingt ans, des livres publiés aux Etats-Unis alimentent régulièrement la controverse. Ainsi, fin 2002, A. Jay Christol a publié The Liberty Incident (Brassey's, New York, 2002) qui défend la thèse de la méprise. Tandis que le journaliste d'investigation Peter Hounam faisait paraître en février dernier Operation Cyanide - sous-titrée en français Pourquoi l'attaque du Liberty a failli causer la Troisième Guerre mondiale (Vision Books). Pour lui, il s'agit au contraire d'une attaque préméditée.

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Sources Historia

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans MOSSAD AUX USA

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